Le sens

 

 

 

plan

 

Introduction

- Acceptions

- Problématique

I. Sens et symbolique médiévale

1. L'origine du sens

2. Sens et transcendance

II. Sens et théodicées

1. Leibniz

2. Kant

3. Hegel

III.Sens et interprétation

1. Rétrécissement du champ sémantique

2. Le sens cherché en l'homme

Conclusion

Nécessité d'un principe herméneutique

     

 

 

 

Introduction

 

Acceptions du mot sens

 

• Faculté (et organe) permettant d'éprouver des sensations (cf. les cinq sens)

• Capacité de juger (cf. bon sens)

• Signification (cf. sens d'un mot)

• Direction (cf. sens unique)

 

Mise en ordre des quatre sens du mot “sens”

Il y a le "sens", saisie sensorielle ou intellectuelle de ce qui s'offre à percevoir ou concevoir.

Et il y a le "sens" des choses mêmes, renvoi de celles-ci à ce vers quoi elles dirigent (la pensée) ou sont dirigées - dans l'espace-temps.

 

Problématique

Notre recherche sera consacrée aux formes qu'a pris historiquement la quête du sens, et donc à l'herméneutique du Moyen-Age à nos jours.

Chaque partie est consacrée à un âge et à une forme d'INTERPRETATION :

- 1ère partie : Le Moyen-Age et la pratique théologique d'une symbolique théophanique.

- 2ème partie : L'époque classique et moderne et le finalisme philosophique.

- 3ème partie : l'époque contemporaine et l'herméneutique scientifique.

 

Première partie : sens et symbolique médiévale

 

1. L'origine du sens

 

Tandis que, pour la philosophie contemporaine, c'est la conscience humaine qui conférerait un sens aux choses, la philosophie médiévale trouve le sens déjà là, inscrit dans la nature.

Hugues de Saint Victor (XIIe) disait que “le monde est un livre immense, écrit de la main de Dieu où chaque être est un mot plein de sens.”

Toute chose semble alors faire signe en direction de Dieu, elle est théophanique.

 

2. Sens et transcendance

   

L'aventure intellectuelle du Moyen-Age nous enseigne que la découverte du sens passe par la mise en perspective de la réalité, par son rattachement à un niveau d'être supérieur, qui, l'éclairant, lui procure son intelligibilité.

Intuition du Moyen-Age : rien de ce que nous vivons n'a en lui-même son sens, s'il n'est relié à de l'AUTRE que soi.

Cf. Jean-Luc Nancy, in revue AUTREMENT N°102, Le sens en commun (Nov 1988) écrit  : “A supposer que l'existence "ait" un "sens", il est ce qui la fait communiquer à autre chose que moi. Le sens fait mon rapport à moi en tant que rapporté à de l'autre. Un être sans autre (ou sans altérité) n'aurait pas de sens, ne serait que l'immanence de sa propre position (ou bien, ce qui reviendrait au même, de sa propre supposition infinie). Le sens du sens est: s'affecter d'un dehors, être affecté d'un dehors, et aussi affecter un dehors. Le sens est dans le partage d'un "en commun"...” (p.200-201)

 

 

I. Deuxième partie : sens et théodicées classiques et modernes.

 

A partir de l'âge classique, chercher le sens, c'est déterminer la finalité que l'on peut attribuer à un certain phénomène (être de la nature, événement historique, etc.) afin de l'intégrer au plan général que l'on prête à quelque intention directrice, que ce soit le Dieu transcendant de Leibniz et de Kant, ou la raison immanente de Hegel.    

Dans l'un et l'autre cas ( Théodicée de Leibniz, Philosophie de l'Histoire de Kant ou Hegel), tout ce qui advient, fût-il négatif, prend place dans un dessein global qui rend raison de son existence singulière.

Le sens est conféré par la finalité à laquelle chaque être, chaque action ou chaque événement répond.    

 

1. Leibniz

Cf. Principes de la nature et de la grâce fondés en raison

C'est d'un souci d'ordre apologétique que procède chez Leibniz la détermination du sens.

Chaque chose prend sens du fait qu'elle contribue, de sa place, à l'harmonie de l'ensemble, de cette “machine très admirable qu'est le monde”. Dieu en conséquence sort "blanchi" de l'opération. Tel est l'optimisme de Leibniz, pour qui notre monde est le " meilleur des mondes possibles ".

 

2. Kant

Kant donne sens à “ l'appétit insatiable de possession et de domination ” de l'homme, condamnable moralement, en faisant de celui-ci un subterfuge de la nature pour pousser l'homme à se dépasser !

Ces considérations annoncent celles de Hegel, selon qui “rien de grand dans le monde ne s'est accompli sans passion”.

 

3. Hegel

 

La notion clef de toute philosophie de l'Histoire est celle de sens. Penser l'histoire en philosophe, c'est rechercher le sens du devenir. (Cf. cours sur l'Histoire)

Thèse de Hegel. Cf. La raison dans l'Histoire

L'Esprit est à la fois le maître d'oeuvre du devenir et le terme de celui-ci, l'Histoire étant le moyen pour la raison de se réaliser. (Cf. cours sur l'Histoire) Le mal est conçu comme étant lié à un moment, transitoire, du devenir, au service du bien. Si la perspective est différente de celle de Leibniz, l'optimisme est au fond le même.

 

Troisième partie : sens et herméneutique

 

1. Rétrécissement du champ sémantique

 

Avec la psychanalyse, recherche du sens aux ambitions plus modestes : il s'agit d'interpréter le comportement humain.On n'en est plus à penser le sens de l'Histoire ou, plus largement encore, celui de la nature. La métaphysique semble s'être retirée du champ de la pensée sur la pointe des pieds... L'existentialisme et la philosophie de l'absurde ont sévi dans l'entre deux, relayés par le structuralisme, autant d'entreprises de contestation de l'existence d'un sens objectif, voire même l'existence de tout sens (cf. Camus).    

L'interprétation des rêves est typique de l'art de trouver un sens caché sous le sens ou parfois même le non-sens manifeste. L'interprétation des rêves montre que :

a) le sens est défini, ici encore, en terme d'intention et de relation des éléments à l'intérieur d'un tout où ils prennent place. Cf Freud: “Lorsque nous parlons du sens d'un processus psychique, ce "sens" n'est pour nous que l'intention à laquelle il sert et la place qu'il occupe dans la série psychique. „

b) La recherche du sens devient, dans ces conditions, affaire d'interprétation, cette interprétation requérant l'activité finalisée, intentionnelle, d'un sujet, fût-il inconscient. Elle est affaire d'herméneutique

 

2. Sens recherché en l'homme

 

Jusque là il s'agissait de comprendre la réalité, l'homme y compris, en la reliant à son principe créateur, et en repérant l'ordre de ses constituants

A présent, seules les productions de l'homme semblent intéresser encore la pensée, l'ordre du monde étant délaissé à la science.

Or l'attention portée à l'homme s'apparente au soupçon, comme l'a bien vu Ricoeur, ainsi qu'en témoignent Marx, Nietzsche et Freud. Il s'agit pour eux de savoir ce que cache la réalité humaine manifeste. Cf. Ricoeur, De l'interprétation

 

 

Conclusion

Nécessité d'un principe herméneutique. Vérité de la perspective tant médiévale que classique, confirmée négativement par la philosophie contemporaine. La requête d'un sens (de la nature, tout comme de l'Histoire) conduit à penser le monde en relation avec un absolu de type personnel, avec un principe transcendant (Dieu? / Sujet ?) dont le monde est la réalisation.  Sans ce principe herméneutique, le monde retombe dans son opacité, et le nihilisme est roi : “le monde n'a plus de sens” si “Dieu est mort” (Nietzsche). Cf. Wittgenstein, Tractatus

 

© M. Pérignon