La perception

 

 

Plan

Introduction

- Définition

- Question

 

I. La perception, entre sensation et expérience

A. Moins qu'une expérience

B. Plus qu'une sensation

C. Un jugement immédiat

II. La perception, activité vitale

A. L'idée générale

B. Les analyses de Bergson

III. La perception, relation existentielle

A. Percevoir, c'est entrer en contact

B. Phénoménologie de la perception

 

Conclusion

Percevoir et savoir Cf Merleau-Ponty
 

 

Introduction

 

La perception, définition

La perception est "l'acte par lequel un individu, organisant immédiatement ses sensations, les interprétant et les complétant par des images et des souvenirs, s'oppose un objet qu'il juge spontanément distinct de lui, réel et actuellement connu de lui." (Lalande)

La question de la perception

"Qu'est-ce qui nous est donné au juste dans la perception?" S'agit-il de données cognitives, vitales ou existentielles?

 

 

I. La perception : entre sensation et expérience

 

A) La perception, moins quíune expérience

Si elle identifie son objet, elle le fait sans y associer les circonstances où il a pu être antérieurement rencontré.

 

B) La perception plus quíune sensation.

Percevoir, du latin percipere, cíest " prendre ensemble ", " récolter ", càd organiser des sensations en un tout signifiant.

Cf. Alain, ex. perception díun dè cubique

 

C) La perception, jugement immédiat

Percevoir qqch, cíest líidentifier en le tenant spontanément pour existant ici-maintenant.
Cf. définition de Lalande

Problème qui se pose :

Pas de perception sans "jugement".

Reste à savoir

a) si un tel jugement résulte d'une faculté intellectuelle appliquée à un " donné sensible " ,

b) ou si, au contraire, il est à ce point enveloppé dans la sensation qu'on pourrait dire que " les sens jugent " d'eux-mêmes ce qui se donne à percevoir.

Première possibilité

= thèse intellectualiste , soutenue, avant Alain, par Platon, Descartes et Malebranche (qui se demandent si la perception peut nous fournir une connaissance des objets qui soit vraiment fiable)

Platon établit que puisquíun sens ne peut éprouver ce quíéprouvent les autres sens, líunité de líobjet ne peut être que líoeuvre díune faculté distincte de líexpérience sensible.

Cf. Platon, Théétète

En analysant la perception díun morceau de cire, Descartes montre que le jugement, acte díinspection de líesprit, est seul capable de comprendre quíà travers les vicissitudes des changements díapparence "la même cire demeure" et que líexpérience sensible ne peut rendre compte de la perception.

Cf. Descartes, Méditations

Malebranche montre que l'âme estime la grandeur et la distance des objets par des jugements naturels conformes à la loi de l'optique selon laquelle líimage diminue avec l'éloignement; notre perception des figures et des mouvements combine de tels jugements.

Cf. Malebranche, Recherche de la vérité

 

Seconde possibilité = théorie développée par les "psychologues de la forme"
La forme des objets sentis est sentie ou perçue d'emblée: "la perception n'est pas un ensemble de sensations, mais toute perception est d'emblée perception d'un ensemble".

Pour la théorie intellectualiste les sensations sont la matière de la perception et c'est le jugement et la mémoire qui leur donnent une forme.

Mais pour la Gestalttheorie, il n'y a plus de distinction entre sensation et perception; la forme est inséparable de la matière et nous est donnée intuitivement avec la matière et en elle.

Les objets se découpent d'eux-mêmes - sans intervention de l'intelligence - et simplement par leur structure propre sur un fond indifférencié.

J'ouvre les yeux non sur une poussière de lignes et de couleurs en désordre, mais sur un monde d'objets qui, indépendamment de mes habitudes, de mon savoir, de mes jugements, se trouvent d'emblée organisés et groupés selon la loi de la "bonne forme", la plus simple et la plus cohérente.

  

 

II. La perception : activité vitale

 

A) Líidée générale

Avant d'être un mode de connaissance des choses, la perception est l'activité vitale de tout organisme en contact avec son milieu.

 

B) Le point de vue de Bergson

Les origines de notre perception des choses sont tout utilitaires.

A ce niveau élémentaire, de même que " C'est l'herbe en général qui attire l'herbivore" ( Bergson, La pensée et le mouvant ), l'homme ne saisit des choses que ce qui l'intéresse pratiquement.

Les ressemblances entre les choses sont d'abord senties, vécues, automatiquement jouées avant d'être aperçues et pensées. (les réactions identiques ou analogues que provoque en nous leur perception immédiate sont le germe des idées générales. )

La perception est donc déterminée d'abord par les nécessités de l'action et ce sont nos besoins qui découpent dans la continuité des qualités sensibles des corps et des êtres distincts. Cf. Bersgson, le Rire

 

N.B. C'est cette orientation utilitaire qui limite la perception et l'empêche d'être une connaissance totale. D'où l'extrême pauvreté des idées générales ou concepts qui ne sont que des extraits de perceptions visant avant tout l'utilité vitale. Il n'est guère contestable que les vues bergsoniennes rendent bien compte chez l'homme des perceptions les plus élémentaires comme sans doute de celles des animaux supérieurs. Comme disait Leibniz, "nous ne sommes qu'empiriques dans les trois quarts de nos actions ". Reste le dernier quart pour lequel, selon Bergson, on doit recourir à l'intuition.

 

 

III. La perception, relation existentielle de líhomme au monde

 

A. Percevoir, cíest entrer en contact corporel avec le monde

 

La perception n'est pas à penser sur le modèle de la vision, comme un jugement extérieur qui poserait l'existence de son objet, mais à partir d'un contact avec le monde, du sentiment de la présence des choses.

La perception est une foi en ce quíelle donne à percevoir, évidence sensible, naturelle et spontanée vécue au contact des choses.

 

B. Phénoménologie de la perception

 

Dans la perception, le sujet percevant n'est pas un spectateur passif de formes objectives : les objets qui sont investis par mes préoccupations subjectives sont valorisés dans le champ perceptif. Cf. Merleau-Ponty, phénoménologie de la perception

Köhler lui-même, trhéoricien de la psychologie de la forme, en fait l'aveu : le ciel bleu dans une rue étroite dessine au-dessus des maisons un rectangle qui constitue une très belle forme; or ce n'est pas le ciel qui est vu comme figure, ni les lignes des toits comme simples bords du ciel. Ce sont au contraire les maisons qui sont perçues comme "figure" et le rectangle du ciel malgré sa forme géométrique joue seulement le rôle de fond.

Pas question de revenir à l'intellectualisme, qui a exagéré la part des raisonnements, des opérations intellectuelles dans la perception. Mais ne pas oublier le rôle du sujet dans la perception, du sujet affectif et vivant.

La perception ne peut se comprendre qu'à partir de l'être vivant, de ses besoins, de ses valeurs. Je vois le monde comme je suis, disait Eluard, je ne le vois pas comme il est. Le monde perçu est tout plein de nous-mêmes. Il sourit de nos joies et grimace de nos angoisses, ressemble à nos préjugés. Il n'est pas le monde objectif de la science.

 

 

Conclusion

 

Percevoir et savoir :

" Tout l'univers de la science est construit sur le monde vécu et si nous voulons penser la science elle-même avec rigueur, en apprécier exactement le sens et la portée, il nous faut réveiller d'abord cette expérience du monde dont elle est l'expression seconde. La science n'a pas et n'aura jamais le même sens que le monde perçu pour la simple raison qu'elle n'en est qu'une détermination ou une explication... Revenir aux choses mêmes, c'est revenir à ce monde avant la connaissance." Maurice Merleau-Ponty

 


© M. Pérignon