Par Droit Civil privé nous ne pouvons entendre autre chose que la liberté qu'a l'individu de se conserver dans son état, telle qu'elle est déterminée par les édits du pouvoir souverain et maintenue par sa seule autorité. Après en effet que l'individu a transféré à un autre son droit de vivre selon son bon plaisir propre, c'est-à-dire sa liberté et sa puissance de se maintenir, droit qui n'avait d'autres limites que son pouvoir, il est tenu de vivre suivant la règle de cet autre et de ne se maintenir que par sa protection.

Il y a Violation du droit quand un citoyen ou un sujet est contraint par un autre à souffrir quelque dommage contrairement au droit civil, c'est-à-dire à l'édit du souverain. La violation du droit en effet ne se peut concevoir que dans l'état de société réglée; mais le souverain auquel par droit tout est permis ne peut violer le droit des sujets; donc seulement entre particuliers, tenus par le droit à ne pas se léser l'un l'autre, il peut y avoir place pour une violation du droit.

La Justice est une disposition constante de l'âme à attribuer à chacun ce qui d'après le droit civil lui revient; l'Injustice par contre consiste, sous une apparence de droit, à enlever à quelqu'un ce qui lui appartient suivant l'interprétation véritable des lois .

On appelle aussi la Justice et l'Injustice, Équité et Iniquité, parce que les magistrats institués pour mettre fin aux litiges sont tenus de n'avoir aucun égard aux personnes, mais de les tenir toutes pour égales et de maintenir également le droit de chacun; de ne pas porter envie au riche ni mépris au pauvre. ( XVI)

...la justice dépend du seul décret du souverain et, par suite, nul ne peut être juste s'il ne vit pas selon les décrets rendus par le souverain...

Ce n'est pas pour tenir l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre que l'État est institué; au contraire c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d'exister et d'agir. Non, je le répète, la fin de l'Etat n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l'État est donc en réalité la liberté. (XX)

 

Spinoza, Traité Théologico-politique, chap. XVI; XX 

 

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