SOCRATE Le plus grand des méfaits de la poésie, nous ne l'en avons pas encore accusée: c'est qu'elle est capable de contaminer même les sages, à l'exception de quelques-uns en très petit nombre; (...) les meilleurs d'entre nous, quand ils entendent Homère, ou tel autre parmi les tragiques, imiter un héros qui est dans le deuil, qui remplit de ses lamentations une longue tirade ou qui, en chantant, se frappe la poitrine, ils y trouvent, tu le sais bien, du plaisir, ils se laissent aller, ils suivent le mouvement, ils y trouvent, tu le sais bien, du plaisir, ils se laissent aller, ils suivent le mouvement,ils s'associent aux émotions exprimées, ils louent gravement comme un bon poète celui qui, le plus possible, les aura placés dans de telles dispositions

GLAUCON: Je le sais bien! Et comment en serait-il autrement?

SOCRATE: Mais, quand un chagrin personnel survient à tel d'entre nous, réfléchis-tu en revanche que nous nous parons de l'attitude contraire, si nous sommes capables de garder notre calme et de nous résigner? dans la conviction que cela est d'un homme, tandis que la manière d'être que nous louions alors est d'une femme?

GLAUCON: J'y réfléchis, dit-il.

SOCRATE: Est-elle donc de mise, repris-je, cette louange? est-il de mise, qu'en voyant un homme se comporter d'une façon dont on ne voudrait pas se comporter soi-même, dont au contraire on aurait honte, on n'en soit pas dégoûté, mais qu'au contraire, on s'y plaise et qu'on la loue?

GLAUCON: Non, par Zeus, dit-il, cela n'est pas raisonnable.

 

Platon, République 10, 605c-605e

 

 

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