PLATON

 

Gorgias

OU

Sur la Rhétorique

 

Nous sommes réduits à des conjectures, en ce qui concerne la date précise de composition du dialogue.

 

DESSEIN ET DÉMARCHE

 

L'objet du Gorgias, un des plus importants dialogues de Platon, est la rhétorique, conçue non point seulement comme art de bien parler, mais dans sa signification morale et politique, comme technique de langage et outil de conquête du pouvoir. Platon vise - très durement - la rhétorique sophistique qui ne conduit, à ses yeux, qu'à un pur immoralisme. Le dessein de Platon est donc de souligner l'infériorité de la rhétorique par rapport à la philosophie, en particulier du point de vue moral. Quatre personnages soutiennent la discussion: Gorgias, un des sophistes les plus célèbres de tout le monde hellénique Polos, élève de Gorgias, Calliclès, sophiste imaginaire et personnage fictif inventé par Platon, immoralisme hardi et, enfin, Socrate.

Pour critiquer la rhétorique, Platon met en scène le célèbre sophiste Gorgias mais aussi Calliclès qui, à travers ses excès mêmes et l'idée de la satisfaction maximale de toutes les passions, va permettre à Socrate de dévoiler les faiblesses de la rhétorique. D'où le mouvement de l'oeuvre, où Socrate s'oppose successivement à Gorgias, Polos et Calliclès et conclut lui-même le dialogue par un mythe sur la Destinée des âmes après la mort. Vivre selon la justice nous évitera les châtiments éternels. Il ne faut donc pas user de flatterie (ni de rhétorique).

La démarche de Platon consiste à détruire, par son argumentation, la puissance de la rhétorique, qui vise essentiellement le plaisir, I'obtention du pouvoir politique, le succès et la réussite dans la cité, au profit de la philosophie, qui nous conduit vers la sagesse et le Bien.

 

ANALYSE DE L'ŒUVRE

A) Première partie.
Socrate et Gorgias : la recherche d'une définition de la rhétorique

Cette partie est consacrée à la quête d'une définition de la rhétorique: cette dernière est ouvrière de persuasion et de croyance, parfois vraie et parfois fausse. En particulier, Gorgias fait l'éloge de la rhétorique, cet art d'apporter le pouvoir. La rhétorique est toute-puissante. Socrate veut réfuter les thèses de Gorgias; obligé de convenir que la rhétorique est subordonnée à la science morale.

Polos reprochant à Socrate ses sophismes, Socrate va discuter avec lui. En fait, Polos veut défendre son maître Gorgias.

B) Seconde partie.

Socrate et Polos: la rhétorique est-elle toute-puissante ?

Socrate explique que la rhétorique fait partie avec la cuisine, le maquillage et la sophistique, des arts de la flatterie. Elle ne vise qu'au plaisir et non au Bien véritable. La prétendue puissance des orateurs n'en est pas une. La rhétorique n'est pas un art véritable. La puissance, montre Socrate, réside dans la poursuite de fins conformes à la raison et à la justice. Agir contre la justice est la pire impuissance. Il vaut mieux subir l'injustice que la commettre. En fait, l'injustice est le plus grand des maux et le châtiment nous en délivre.

C) Troisième partie.

Socrate et Calliclès: vie selon la rhétorique ou selon la philosophie ?

Calliclès, hôte de Gorgias, explose : il expose sa thèse, selon laquelle, dans l'ordre de la nature, la force est la loi suprême. Quant à la loi, œuvre des faibles dans leur lutte contre les forts, elle désigne un stratagème des faibles pour asservir les forts. Le problème de fond est, du point de vue moral, de savoir si la vertu est maîtrise de soi ou intempérance. Socrate voit dans la sagesse la maîtrise de soi. Au contraire, pour Calliclès, la vertu, c'est la vie facile et l'intempérance : la vertu naît de la satisfaction des passions les plus fortes.

Il s'agit, en fait, de choisir entre deux modes de vie, la vie selon la rhétorique et la vie selon la philosophie. En quoi consiste le bien de l'âme ? Mieux vaut selon Socrate une vie en ordre que le désordre des passions. Pour Socrate, le bien de l'âme exige, dès lors, le châtiment et la répression des âmes. Calliclès renonce à discuter.

D) Quatrième partie.

Monologue de Socrate et mythe final

Socrate, désormais seul, souligne qu'il ne s'agit pas de plaire (comme le veut la rhétorique), mais d'avoir en vue le Bien. Le mythe final décrit la destinée des âmes après la mort: des châtiments sont réservés aux méchants, qui ont commis l'injustice.

 

CONCLUSION

Le centre du dialogue est formé, nous l'avons vu, par la critique de la rhétorique sophistique, dans laquelle Platon ne voit qu'une doctrine rejetant toute morale, un discours flattant l'auditoire et agissant sur l'âme par la séduction. Cette condamnation virulente est loin d'être entièrement justifiée car les sophistes ont été de grands éducateurs de la cité démocratique. Ils ont découvert la puissance infinie du langage, cet outil permettant d'agir sur l'homme. Avec les sophistes, la tyrannie se profile, mais Platon et Socrate sont toutefois trop sévères. Les sophistes ont éduqué la Grèce, et ce même s'ils ont flatté les ambitions politiques.

Quoi qu'il en soit, ce dialogue a posé un des problèmes centraux de la pensée occidentale: le chemin du bonheur consiste-t-il à se laisser conduire sans retenue par ses passions ou bien à les maîtriser par une conduite raisonnable, afin d'atteindre la vertu et la sagesse de l'âme ? Toute la philosophie ne cessera de soulever cette question.

 

 Cf. J. Russ, Philosophie: Les auteurs, les oeuvres Bordas pp. 14-16

 

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