La philosophie

 

 

 

 

 

plan

 

Introduction

 

I. Qu'est-ce que la philosophie ?

A. Définition

B. Spécificité du point de vue philosophique

C. Précisions

 

II. Où, quand et comment est-elle apparue : l'invention de la raison
Introduction : La philosophie, produit de la démocratie athénienne

A. Dans quelles conditions historiques l'idée de philosophie a pu apparaître: le sol culturel de la cité athénienne

B. Naissance de la philosophie, de Socrate au dialogue platonicien

C. Évolution de l'entreprise philosophique: la constitution du concept de vérité

 

III. Comment un dialogue de Platon, l'Hippias Majeur, nous présente-t-il l'activité philosophique?

A. L'auteur

B. L'oeuvre

- Les protagonistes
- Le thème
- Le plan

C. Analyse du début de l'Hippias Majeur

- Vue d'ensemble : pourquoi un prologue si long ?
- Étude du prologue
- Étude de la formulation de la question du Beau.

 

Conclusion

 

Sujets

Introduction

 

Née à Athènes au Ve siècle avant Jésus-Christ, la philosophie est marquée profondément par ses origines. Aussi , après avoir tenté de caractériser la philosophie de façon générale, intemporelle, nous tournerons-nous vers ces origines pour les interroger.

 

Première partie :

qu'est-ce que la philosophie ?

 

A. Définition

Remarque préliminaire : activité intellectuelle en constant devenir, la philosophie ne saurait être enfermée dans une formule close, définie une fois pour toutes. Cf. Husserl, Crise des idées européennes. Il est néanmoins possible de la caractériser au sein des activités de même nature.

Activité intellectuelle, la philosophie est un exercice de la pensée qui a pour objectif de donner à comprendre la réalité.

Aussi la philosophie est-elle, comme d'autres formes d'activité intellectuelle (science, théologie) au service de la connaissance, et le philosophe fait-il partie des "intellectuels", techniciens de la pensée.

Sa prétention au savoir l'oblige à couvrir la totalité du champ des connaissances. Cf. Michel Serres, Éclaircissements

Le philosophe se distingue, au sein des intellectuels, moins par l'objet de sa pensée que par sa façon de penser, son point de vue.

 

B. Spécificité du point de vue philosophique

La spécificité du point de vue de la philosophie est à rechercher dans sa visée : est philosophe celui qui veut " aller au fond des choses ", c'est-à-dire
1) trouver le fin mot de toutes choses, sa raison d'être ultime, son "principe", en un mot son sens
2) et, conjointement s'assurer que ce que l'on dit de ce qui est correspond bien à la réalité par un effort permanent de vérification de ce que l'on avance.

La philosophie est ainsi une activité doublement rationnelle.

 

C. Précisions

a) La philosophie, dès l'origine, est désignée par un mot, philo-sophia, qui signifie l'"amour de la sagesse", càd le goût du savoir authentique. Le philosophe est moins un savant qu'un expert du savoir. N.B. L'usage du mot remonte à Pythagore.

b) Philosopher consiste essentiellement à s'interroger, en refusant le "ça va de soi" dont se contente le plus souvent la pensée commune.

c) L'étonnement est l'attitude constitutive de la philosophie. Cf. Platon: "S'étonner  voilà un sentiment qui est tout à fait d'un philosophe. La philosophie n'a pas d'autre origine." (Théétète , 155d)

d) De toutes les questions que se pose le philosophe, la plus essentielle est celle du " pourquoi"  : il se demande pourquoi les choses sont au fond telles qu'elles se donnent à observer et pourquoi on est ou non en droit de les considérer ainsi qu'on le fait.

e) Pour atteindre l'objectif de compréhension qui est le sien, le philosophe est amené à construire des concepts, tel Socrate, obligeant ses interlocuteurs à remonter à l'idée qui les autorise à dire ce qu'ils affirment. Par exemple dans l'Hippias Majeur, à Hippias -  qui prétend savoir quelles sont les belles activités auxquelles un jeune homme doit s'adonner, Socrate demande de définir le beau. Cf. Infra
Cf. aussi G.
Deleuze, Signes et événements.

Somme toute, ayant le goût du vrai savoir, le philosophe exerce sa réflexion à la recherche du pourquoi ultime de toutes choses, et s'assure au moyen de concepts de la teneur et de l'exactitude de ce que l'on peut en dire.

 

Deuxième partie :
où, quand et comment est-elle apparue : l'invention de la raison.

 

Pour comprendre comment elle a pu surgir comme genre culturel nouveau, nous reprendrons l'analyse de F. Châtelet consacrée, sur France Culture, aux étapes de la rationalité. Pour définitr la philosophie, F. Châtelet se réfère à une situation culturelle, celle de la Grèce classique, dans laquelle la philosophie est apparue.

 

A. Dans quelles conditions historiques l'idée de philosophie a pu apparaître: le sol culturel de la cité athénienne

Avec l'hégémonie d'Athènes et de son régime démocratique, le goût de la parole gagne la Grèce entière et entraîne la naissance de techniques, celles de la rhétorique, et l'apparition de ceux qui les enseignent, les "sophistes".

Dans cette Athènes péricléenne, il y a deux forces en présence.

• Le maintien de la vieille tradition religieuse

• Contre cette tradition se développe la pensée sophistique

Entre les deux, Socrate qui se dresse à la fois contre la tradition et contre l'état d'esprit sophistique.

A ces professionnels du savoir Socrate montre qu'ils croient savoir et qu'ils ne savent rien.

Cf. Platon, Lachès

Lachès, c'est un vieux général, bien connu des Athéniens, qui s'est illustré dans des batailles célèbres. Le dialogue commence par la demande de deux pères de famille qui viennent interroger Lachès et Nicias, qui est un autre stratège athénien, mais lui beaucoup plus jeune, et qui est en même temps un personnage politique, ce que n'est pas du tout Lachès. Les deux pères de famille viennent interroger ces deux spécialistes pour savoir s'il faut faire donner des leçons d'art militaire et d'escrime à leurs enfants. Et ils ont demandé à Socrate de bien vouloir se joindre à cette assemblée pour tenter de répondre à cette question.
Les deux spécialistes, Lachès et Nicias, interviennent, Lachès disant que c'est complètement inutile de faire donner de faire donner des leçons de cet ordre et que l'art militaire s'apprend sur le terrain, Nicias disant au contraire que c'est tout à fait utile et que lui s'est trouvé très bien des leçons qu'il a reçues. Comme il y a une voix pour, une voix contre, et que ces pères de famille sont habitués à la démocratie, ils se tournent vers le troisième larron, qui est Socrate, en disant "bon, et bien tu vas départager, tu vas dire pour qui tu votes, et nous saurons s'il faut ou non donner des leçons aux enfants. Socrate dit: "ah non, je suis désolé, je ne procède pas comme cela. Je ne peux pas répondre à la question qui vient d'être posée, aussi directement, car je ne ferais que donner mon avis. Or mon avis, en tant que subjectivité, ça n'a aucune espèce d'importance. Non, je voudrais essayer de comprendre ce qu'on dit Lachès et Nicias. Et ils leur demande la permission de les interroger : pourquoi as-tu dit ceci, pourquoi as-tu pris tel exemple, pourquoi à ce moment-là as-tu changé de ton? Il commence une enquête très subtile et il apparaît au bout d'un certain temps, pour tous les interlocuteurs, et par conséquent pour nous lecteurs, qui sommes en quelque sorte un interlocuteur supérieur, que Lachès et Nicias se savaient pas ce qu'ils disaient, qu'il parlaient par pur mécanisme, qu'ils avaient une idée préconçue et qu'à partir de-là ils ont fabriqué leur argumentation, mais que cette argumentation n'est absolument pas probante.
Alors les deux pères de famille se retournent vers Socrate et demandent comment alors il faut faire. Et c'est là que Socrate se met sur le chemin de l'invention de la philosophie. Il dit: " Voilà, se poser la question "faut-il faire donner des leçons d'art militaire à des enfants?", ce n'est pas une bonne question. Il faut d'abord savoir à quoi ça sert de faire donner les leçons à des enfants, et des leçons d'art militaire en particulier. Qu'est-ce que l'on veut cultiver?" Alors les pères de familles disent: " on veut que nos enfants soient capables de se défendre sur le terrain, de vaincre les ennemis, d'honorer notre nom, en se battant comme il faut et de rester en vie. " " Ah! très bien, c'est une très bonne réponse, dit Socrate. Donc l'art militaire a pour fin l'acquisition de la vertu militaire. Alors pour répondre à la question il faut bien sûr savoir ce que c'est que la vertu militaire. Sinon on répondra, comme l'ont fait tout à l'heure Nicias et Lachès, on répondra à côté du problème. On donnera son avis, mais on ne pourra pas donner une réponse convaincante. "

Socrate a inventé quelque chose de nouveau, le "concept", càd que pour répondre à une question, il faut savoir de quoi parle cette question, càd construire son idée, sa représentation, son concept.

Cf. Platon, Lachès

A partir de-là, c'est en quelque sorte le deuxième acte de la comédie, Socrate prend la direction des opérations et interroge Nicias, Lachès pour savoir ce qu'est la vertu militaire. Et il apparaît, en ce cas aussi, que aucun des deux généraux n'est capable de répondre à cette question. Socrate n'a aucun mal devant les démonstrations qui sont données par l'un et par l'autre, à montrer que ce qu'ils disent n'a pas de sens, et ne résiste pas à l'argumentation.
Alors nous autres lecteurs nous voyons arriver la fin du dialogue et on se dit: et bien alors on va avoir la réponse. Pas du tout. Et c'est là toute l'habileté machiavélique de Socrate, c'est qu'il ne répond pas. Devant la demande des deux pères de famille, qui insistent, il répond: " Ah, non, moi j'ai dit que pour répondre à la question posée, il fallait savoir ce qu'est la vertu militaire, mais je n'ai jamais dit que je le savais. Maintenant, si vous voulez nous pourrons nous retrouver demain, à tel endroit à telle heure. " Et le dialogue se termine de cette manière.

Socrate s'attire les haines de tous ...

Cf. Platon, Apologie de Socrate

Dans cet admirable dialogue qui présente la défense de Socrate lorsqu'il a été accusé d'impiété devant le tribunal, Platon évoque trois accusateurs. Et il est significatif que ces trois accusateurs représentent chacun une des professions importantes à Athènes. L'un est un rhéteur politicien. L'autre est un devin - la divination jouant un très grand rôle à l'époque et étant l'époque une forme de ce que nous appellerions aujourd'hui propagande. Et le troisième est un homme de métier, ce que nous appellerions aujourd'hui un ingénieur. Cette cité athénienne en effet ne s'est pas contenté d'avoir ces sophistes et des maîtres de la parole. Elle a produit aussi des hommes politiques de grande classe. Elle a produit des hommes de métier qui ont construit une flotte remarquable et qui ont accompli des progrès technologiques non négligeables. Elle a produit aussi, ils ne figurent pas dans le dialogue platonicien, des historiens. En fait tous, à Athènes, se dressent contre ce personnage socratique qui, effectivement, est impie, car il ruine les divinités civiques. Son intention, il le montre bien dans cette Apologie, comme il le montrera aussi, selon Platon, dans le Criton, est de sauver la cité et non pas du tout de la ruiner. Mais à première vue on pense que c'est là son objectif.

Socrate est traîné devant les tribunaux, il refuse de se défendre, il est condamné à mort, boit la ciguë et meurt.

De son enseignement et de cette mort exemplaire va naître la philosophie !

 

B. Naissance de la philosophie, de Socrate au dialogue platonicien

 

Platon, durant toute sa vie, a eu pour objectif de défendre le message socratique, mais en le rendant positif. Platon se donne pour tâche la réforme complète de l'organisation civique pour que d'autres hommes qui auraient le même génie personnel que Socrate, le même daimon, puissent s'exprimer et rester en vie.

• Contre les Sophistes

L'ennemi numéro un de Platon est la sophistique, qui a "é-nervé", amolli, les athéniens.

Cependant, la pensée platonicienne a un même point de départ que la pensée sophistique : la parole. C'est là ce que Platon hérite de Socrate. Pour lutter contre la parole mensongère, on ne dispose que de l'argument (non-violent) de la parole.

Lorsque Platon fonde l'Académie, il procède à une réfutation systématique de la pensée des maîtres de la démocratie, et, du coup, il fait une critique extrêmement violente de cette pensée démocratique. Il montre qu'il n'y aucune raison que la majorité ait raison. Et il se propose, à l'aide de la seule parole, de construire un discours, qui serait juge de toute parole.

= 1ère esquisse d'une définition de la philosophie

• L'invention de la dialectique, art du dialogue

Platon reprend la démarche socratique : ses dialogues prennent pour point de départ des questions simples, les questions que les citoyens se posent couramment à propos de tel ou tel événement: qu'est-ce que la justice, ou plus exactement un tel s'est-il conduit justement dans telle ou telle circonstance ? Et à partir de-là, on se pose la question : qu'est-ce que la justice ? Un tel est-il pieux ? Et à partir de-là on se pose la question : qu'est-ce que la piété envers les dieux ou qu'est-ce que la piété envers ses parents? Faut-il ou non faire de gymnastique et se nourrir avec frugalité ? Et à partir de-là se pose la question de plaisir et du calcul des plaisirs ?

La philosophie part de questions toutes simples, empiriques. Mais à partir de ces questions, elle s'efforce de construire une idée qui permette de répondre à ces questions, non pas au niveau de la simple opinion, du simple avis, mais au niveau du concept.

Ayant posé ces questions, il montre leur enjeu, il montre à quelle idée centrale ces questions se réfèrent. Ensuite, par un jeu de demandes et de réponses, il monte un dispositif argumentatif qui, à chacune des étapes de son développement, requiert l'accord des interlocuteurs en présence. Le philosophe oppose sa dialectique, sa technique du dialogue, à la technique rhétorique du sophiste. Le pari platonicien à ce niveau, c'est qu'il est possible, à l'aide de la seule parole, de construire une suite de paroles qui requièrent l'adhésion de toute personne de bonne foi.

= 2 de esquisse d'une définition du discours philosophique

Le philosophe affirme qu'il n'y a pas de "fait"; qu'un fait est toujours une expérience singulière. Pour l'homme, le fait passe nécessairement par la parole, par la réflexion. Le philosophe se situe dans l'optique de l'existence collective et de la nécessité de prendre des décisions en commun . Or à l'Assemblée du peuple, qui prend les décisions pour Athènes, chacun "voit midi à son horloge". Aussi les décisions sont-elles prises sans nécessité véritable. Alors le philosophe se demande s'il ne faut pas parier sur la parole, s'il ne faut pas essayer de tenir compte, dans la décision prise, du point de vue de tous.

 

• Le logos

Il faut évoquer ici le mot logos qui, comme on va le voir, est difficilement traduisible.

• Dans un premier moment le mot logos, c'est le mot triangle, ange, Aphrodite, imaginaire, le mot que vous voulez, doué de sens par opposition, par exemple, au mot abraquadabra, qui n'a pas de sens. Le mot humain, et c'est Aristote qui le montre très clairement dans les premières pages de La Politique, est nécessairement doué de sens, un mot qui, recueilli par un autre, suscite une réaction, suscite une représentation, suscite une adhésion ou un refus.

• Très vite le mot logos évolue. Il ne signifie plus seulement le mot doué de sens, mais l'ensemble doué de sens de mots ayant un sens. Par exemple Aphrodite est la déesse de l'amour. Par exemple la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits. Mais il y a des combinaisons de logoi, mots, qui ne donnent pas un logos - phrase. Par exemple: la somme des angles d'un triangle carré est égale à un crapaud. Cette fois ça n'est plus pensable, ça n'a plus de sens.

• Et du coup, troisième signification du mot logos , c'est ce que nous avons en nous qui permet précisément de relier diverses phrases qui ont un sens les unes aux autres pour en faire une démonstration d'ensemble qui a un sens.

• Travail du dialogue philosophique

Le dialogue part de ce que chacun tient pour assuré, des prétendus faits, et les fait passer à l'épreuve du sens. Ce qui permet de vérifier la signification d'un fait : l'acceptabilité. Le dialogue est ce qui offre la possibilité d'opérer cette vérification d'acceptabilité.

• Le concept d'universalité, premier concept philosophique

= Concept qui rend compte de l'effort philosophique

L'universalité, c'est la totalisation des divers accords qui s'établissent au cours du dialogue...

Le philosophe est celui qui s'efforce de construire un discours si bien argumenté, si bien vérifié, si méticuleusement pesé qu'à la fin chacun est en quelque sorte contraint de par son for intérieur, de donner son accord et d'accepter ce discours.

Ce discours platonicien, Aristote va l'appeler une sophia, une sagesse, et celui qui le tient Platon lui-même va l'appeler un " philosophos ", un philosophe, celui qui de toutes ses forces tend amoureusement vers la constitution de cette sagesse. Une sophia, c'est tout autant une manière de penser qu'une manière de se conduire, c'est une façon d'apparier sa pensée et sa conduite.

Il y va de l'élaboration d'un discours d'ensemble qui juge tous les discours et qui, en même temps, soit juge de toutes les conduites.

L'épreuve à laquelle le fait est soumis, l'épreuve de la signification, c'est aussi la construction du concept, càd de la structure mentale qui accompagne le développement du discours.

= quatrième sens du mot logos

 

C. Évolution de l'entreprise philosophique : la constitution du concept de vérité

 

• Problème rencontré

Une évolution de l'entreprise philosophique se manifeste dès la construction platonicienne, à l'intérieur même du platonisme. C'est Platon lui-même qui nous signale cette mutation dans son projet. La chose se passe dans un dialogue que très probablement Platon publie au moment où il fonde l'Académie, le Gorgias. La troisième partie du Gorgias est une discussion entre Socrate, toujours porte-parole de Platon, et un personnage qui n'a probablement pas existé historiquement, contrairement aux autres personnages qui figurent dans les dialogues de Platon, et qui est, par conséquent, une invention patonicienne. Il se nomme Calliclès.

Calliclès dispute très durement de la signification de la justice et de l'usage de la rhétorique. Calliclès répond avec une très grande véhémence, presque avec grossièreté, à l'argumentation socratique. Puis, à un détour du dialogue, Calliclès devient aimable, il se contente, lorsque Socrate a pris la parole, de répondre: "Mais oui, Socrate, je suis d'accord avec toi, mais bien sûr Socrate." Et au bout d'un certain temps Socrate s'en aperçoit et, se retournant vers Calliclès lui dit : "Mais, qu'est-ce qui te prend d'être maintenant aussi courtois. Et Calliclès répond cette phrase terrible: "si je suis aimable avec toi, c'est que je ne m'intéresse absolument pas à ce que tu dis. J'ai continué à parler avec toi par déférence envers le vieux Gorgias qui est près de nous. Mais tes propos, je ne m'en préoccupe absolument pas." Voilà une objection qui est une objection majeure, qui est la terrible objection que l'on peut faire au philosophe, car le philosophe, c'est celui qui use de la parole. Mais celui qui ne s'inquiète pas de la parole, qui utilise la parole d'une manière uniquement pragmatique, du style: "passez-moi le sel", que peut-on faire avec lui? Celui-là qui au fond n'entre pas dans la communauté, qui est dans la communauté, qui se sert de la parole comme d'une instrument, comme on se sert d'un marteau ou d'un couteau ou d'un gourdin, mais ne s'inquiète pas de la signification des mots, qui ne s'efforce pas à construire un discours qui requiert l'adhésion des autres, que faire avec celui-là ? Car c'est la grande question de la philosophie. Et il faut bien dire que Platon soulève ce problème avec une vigueur étonnante. A ma connaissance, il n'y a que la sagesse chinoise qui n'est pas de la philosophie au sens strict du terme, qui a su évoquer le même type de problème.

Réponse du philosophe au mépris pour la parole

Il faut bien que le philosophe réponde, il faut bien que le philosophe puisse opposer quelque chose à ce mépris du non-philosophe face au discours d'un tel adversaire. Cette réponse, c'est la constitution d'une autre catégorie, d'un autre concept-pivot, qui est le concept de vérité.

Le philosophe va aller au-delà du simple assentiment de ceux qui sont présents et tous ceux à qui on peut s'adresser et affirmer que le discours qu'il tient est le discours qui par excellence correspond au réel. Le philosophe va affirmer que le discours philosophique ayant valeur universelle est aussi un discours qui a un répondant dans la réalité, qu'il est vrai.

Et c'est ainsi que Platon va soutenir son entreprise en construisant une ontologie, une doctrine de l'être, en inventant en quelque sort le mot être et en disant ce qu'il en est de l'être. Cela s'appelle la doctrine ou hypothèse des idées.

 

Troisième partie :
comment un des premiers dialogues de Platon, l'Hippias Majeur, nous présente-t-il l'activité philosophique ?

A. L'auteur

B. L'oeuvre

- Les protagonistes: Socrate et Hippias

- Le thème

- Le plan

C. Analyse du début de l'Hippias Majeur

- Vue d'ensemble: pourquoi un prologue si long ?

- Étude du prologue

- Étude de la formulation de la question du Beau.

 

Conclusion

L'examen de la nature, de l'origine et de la pratique originaire, socratique, de la philosophie nous fait préférer le verbe philosopher au substantif philosophie. La philosophie n'existe en effet que pour autant qu'elle est pratiquée. Aussi Kant pensait-il que l'on ne saurait qu'apprendre à philosopher sans pouvoir enseigner la philosophie. On ne saurait toutefois apprendre à philosopher qu'en produisant de la philosophie et en exposant sa production...

 

 


Sujet de dissertation traité:

- La philosophie nous détache-t-elle du monde ?
-
Peut-on répondre philosophiqument à une question en donnant son opinion ?

Sujet de commentaire de texte

- Texte d'Aristote


Indications données par E-Mail à des élèves sur les sujets suivants :

- Y a-t-il un âge pour philosopher ?

- Existe t-il des maîtres à penser ?


Etude d'un texte de Bergson

 

Etude d'un texte d'Epictète:

 

Voici le point de départ de la philosophie : la conscience du conflit qui met aux prises
les hommes entre eux, la recherche de l'origine de ce conflit, la condamnation de la
simple opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de l'opinion pour
déterminer si on a raison de la tenir, l'invention d'une norme, de même que nous
avons inventé la balance pour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer
ce qui est droit et ce qui est tordu.

Est-ce là le point de départ de la philosophie ? Est juste tout ce qui paraît tel à chacun.
Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? Par
conséquent, non pas toutes. Mais celles qui nous paraissent à nous justes ? Pourquoi
à nous plutôt qu'aux Syriens, plutôt qu'aux Égyptiens ? Plutôt que celles qui
paraissent telles à moi ou à un tel ? Pas plus les unes que les autres. Donc l'opinion
de chacun n'est pas suffisante pour déterminer la vérité.
Nous ne nous contentons pas non plus quand il s'agit de poids ou de mesures de la
simple apparence, mais nous avons inventé une norme pour ces différents cas. Et dans
le cas présent, n'y a-t-il donc aucune norme supérieure à l'opinion ? Et comment est-il
possible qu'il n'y ait aucun moyen de déterminer et de découvrir ce qu'il y a pour les
hommes de plus nécessaire ?

Il y a donc une norme.

Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l'avoir trouvée,
pourquoi ne pas nous en servir par la suite rigoureusement, sans nous en écarter d'un
pouce ?

 

Commentaire de Nicolas BOHLER
Commentaire d'Etienne THEBAULT

© M. Pérignon