L'inconscient

 

Introduction : la notion d'inconscient

 

Cf. Texte d'Italo Svevo: inconscient = « aveuglement » d'un sujet sur ses véritables intentions.

Bref historique (limité à l'époque moderne)

- Les données inconscientes marginalisées
. Descartes : "il est certain que nous saurions vouloir aucune chose que nous n'apercevions que nous la voulons." (Traité des Passions, art. 19)

. Leibniz Cf.Nouveaux essais sur l'entendement humain

- La conscience soupçonnée

Cf. Nietzsche, qui détrône le MOI. Cf.Par de-là le Bien et le Mal §17

"La conscience est un simple accident de la représentation et non son attribut essentiel ..."

- L'inconscient conceptualisé

Cf. Freud, biographie

- l'idée aura du mal à s'imposer

. Alain, en 1940, la refusera encore Cf. Eléments de philosophie

. En 1991, elle est encore loin de faire l'unanimité. Cf. Steiner, le Point n°961

 

Première partie:

l'exploration psychanalytique

de l'inconscient, historique.

 

On ne peut pas, pour diverses raisons, séparer l'oeuvre de Freud de son existence:

- Tout d'abord la psychanalyse se dégage d'une réflexion de Freud sur les propres péripéties intérieures .

- D'autre part la psychanalyse ne s'est développée en doctrine systématique qu'à la faveur d'une maturation très lente. Ce n'est qu'assez tard (en 1905) que Freud s'élève de plan étroit de la thérapeutique à celui, plus vaste, du système. De plus, ce système a subi diverses transformations décisives.

- Enfin, la longue durée de sa vie (83 ans) place Freud à l'articulation de deux mondes. Né au XIXème siècle, Freud est un homme du XXème siècle. Il a joué un rôle décisif dans la rénovation de la mentalité moderne.

a) Les années de formation.

Freud est né en 1856 à Freiberg, en Moravie, d'une famille commerçante israélite. Son père s'installe à Vienne en 1859. Son enfance est marquée par des difficultés d'ordre psychologique (aîné d'un second mariage, famille nombreuse, rivalités); d'ordre social (antisémitisme), d'ordre matériel. Brillantes étude secondaires. Rêve alors de gloire, prestige et richesse.

En 1873, Freud s'oriente vers la carrière médicale (sans enthousiasme). Il s'intéresse à la philosophie, se passionne de zoologie et surtout de biologie.

De 1876 à 1882, il travaille dans le laboratoire du physiologiste Brücke. Une monographie sur l'histologie de la cellule nerveuse le tire de l'anonymat. Il fait alors la connaissance de Breuer qui, plus tard, jouera un rôle déterminant sur l'évolution de ses premières recherches.

En 1881, doctorat de médecine. Il rencontre Marthe Bernays qu'il épousera en 1886 après quatre années de fiançailles tumultueuses. Cette rencontre, par souci financier, l'amène à quitter à contre coeur le laboratoire et à exercer. "Le docteur Freud est né de la nécessité."

En 1882, stage de chirurgie à l'hôpital général de Vienne, qui lui permet d'obtenir le titre d'interne en médecine. Breuer, qui s'intéressait à la pathologie, l'entretient à peu près à cette époque d'un cas bizarre, celui d'Anna O. Freud n'y prête alors aucune attention. Il ne s'en souviendra que 10 ans plus tard. Peu à peu il abandonne l'internat pour la neurologie.

En 1885 Freud acquiert le titre de Privat-Dozent en Neurologie. Grâce à une bourse d'études, il va suivre les cours de Charcot à la Salpètrière (Paris). Celui-ci passait pour très versé dans la question qui passionnait l'époque: l'hystérie. L'hystérie est une maladie psychosomatique, une névrose, s'exprimant physiquement (ex. de troubles: paralysie, pseudo-grossesse, perte de l'usage la parole; l'organisme ne présente aucune lésion, mais certaines de ses fonctions sont comme bloquées. Nous verrons un exemple d'hystérique avec Anna O) Charcot soignait l'hystérie par l'hypnose. L'hypnose est un sommeil éveillé, provoqué par divers procédés, la suggestion verbale, la capture du regard, la fixation d'un point brillant, etc. et suppose la docilité de sujet aux injonctions de l'opérateur. Freud est très impressionné par l'enseignement de Charcot.

En 1886, après un bref séjour à Berlin, Freud rentre à Vienne. Il renonce à ses travaux neurologiques et décide de s'installer. Il se marie. Il a 30 ans.

1887-1889. La bourgeoisie viennoise de l'époque est riche en névrosés. Freud a recours à des traitements électriques, sans succès, puis pratique l'hypnose de 1887 à 1889.

Pour parfaire sa technique, il part dans l'été 1889 pour Nancy où pratiquent Bernheim et Liebault. Ils sont hostiles à l'hypnose, qui abuse de la crédulité des malades et dont la valeur thérapeutique est à peu près nulle (purement momentanée).

A son retour de Nancy Freud abandonne l'hypnose pour la méthode cathartique de Breuer. La catharsis (terme employé par Breuer et Freud) est une méthode psychothérapique consistant à débarrasser le sujet de ses troubles physiques ou mentaux en rappelant à sa conscience une idée ou un souvenir refoulé qui les produisait. Breuer de 1880 à 1882 avait tenté de soigner une jeune fille hystérique, Anna O. Freud s'en souvient alors et demande à Breuer des détails sur sa thérapie d'alors. Cf Ma Vie et la Psychanalyse - Col. Idées N°169 p.26-27 Cf 5 leçons pp.8...14.

Breuer n'avait tiré aucun parti théorique de sa réussite. Freud insiste auprès de Breuer pour qu'il reprenne avec lui ce qu'il avait alors fait apparaître. Leur travail commun aboutit en 1885 aux Etudes sur l'hystérie. Mais déjà certaines divergences apparaissent entre les deux collaborateurs. La catharsis s'appuie encore sur l'hypnose. Freud l'abandonne pour la méthode dite des associations libres. Par ailleurs, il soupçonne déjà l'origine sexuelle de toutes les névroses, et commence à parler de résistance, de transfert. C'est la rupture avec Breuer.

b) La naissance de la psychanalyse (1895-1906)

De 1895 à 1900 environ, Freud procède à l'analyse systématique de ses propres rêves. L'auto-analyse à laquelle il se livre entraîne l'apparition de troubles névrotiques sérieux: phobies, angoisses, dépressions cycliques.

Il perfectionne sa thérapeutique, mais en même temps il pressent la possibilité de fonder une psychologie dont la neuro-pathologie ne serait qu'un cas particulier. Peu à peu ses vues fragmentaires se coordonnent en un premier système.

La vie mentale repose, pense alors Freud, sur la dualité des instincts sexuels, tendant à la conservation de l'espèce, et des instincts du moi, tendant à la conservation de l'individu; à cela se rattachent les concepts de sexualité infantile, de complexe d'Oedipe, de refoulement.

Une série importante d'ouvrages jalonnent cette période:

La science des rêves (1899)

Psychopathologie de la vie quotidienne (1901)

Trois essais sur la sexualité (1905)

Le mot d'esprit dans sa relation à l'inconscient (1905).

Pendant cette période, Freud travaille en pionnier.

c) Le développement de la psychanalyse

Les premiers ouvrages de Freud ne connaissent guère de succès. Toutefois il est nommé professeur extraordinaire à l'université. Puis se constitue autour de lui, à Vienne, un cercle d'études psychanalytiques (Rank) en relation avec l'école psychiatrique de Zürich et, particulièrement, les Drs Eitingen et Jung. La psychanalyse est représentée à Berlin par Karl Abraham, en Amérique par Brill et Jones et en Hongrie par Sandor Ferenczi.

En 1909 Freud se rend aux USA avec Ferenczi et Jung. Ses cinq conférences sur la psychanalyse ont un gros succès. La connaissance de la psychanalyse se développe déjà en Europe, contrariée toutefois par une formidable opposition (surtout en France). Des congrès internationaux ont lieu en 1908 (Salzbourg), en 1910 (Nuremberg), 1911 (Weimar), 1913 (Londres).

Certains conflits se développent bientôt à l'intérieur du cercle freudien. Adler (Streckel aussi) est jaloux de la préférence que Freud manifeste à l'égard de Jung. Adler substitue à la libido freudienne le vouloir-vivre, la volonté de puissance. Il rompt avec le cercle de Vienne en 1910. Déjà à cette époque Jung conteste l'étiologie sexuelle des névroses. Il assimile la libido à un amas d'énergies indifférenciées, à une sorte de force vitale. De plus en plus il donne une importance particulière au concept d'inconscient collectif et s'efforce de modifier la thérapeutique préconisée par Freud. Jung rompt avec le groupe en 1913.

Freud est très affecté de ces dissidences. Ses disciples décident de former autour du maître un comité secret destiné à la propagation et à la défense de la psychanalyse (1913).

La guerre disperse la société viennoise de psychanalyse créée en 1908 et paralyse l'action du comité. Freud, qui avait écrit Totem et Tabou en 1913, décide d'élaborer, sous le nom de métapsychologie une synthèse de l'ensemble de ses conceptions (1915). C'est de cette synthèse qu'est extrait le texte proposé par le manuel. Il rédigera en 1916 une Introduction à la psychanalyse. Pendant la guerre, la psychanalyse, contrariée en Europe, prend une large extension aux USA et en Angleterre.

d) L'élaboration définitive (1918-1939)

Le comité se reconstitue autour de Freud. Dès congrès ont lieu en 1918, 1920 et 1924. Les critiques d'Adler et de Jung et aussi le problème des névroses de guerre amènent Freud à envisager une réforme et un élargissement de son système. Freud écrit ses Essais de Psychanalyse en 1929 Il résilie cette année-là sa présidence de la société viennoise. Des dissensions nouvelles se développent à l'intérieur du cercle freudien. Le comité est abandonné par Rank et Ferenczi.

Après les Essais paraîtront un certain nombre d'ouvrages importants Ma vie et la psychanalyse (1925) Nouvelles conférences sur la psychanalyse (1933)

Depuis la fin de la guerre, Freud jouit d'une renommée considérable. Hommages, honneurs, réussite le laissent indifférent. Depuis 1923, il est atteint d'un cancer à la face qui nécessitera 23 interventions chirurgicales.

En 1933, les nazis brûlent à Berlin les livres de psychanalyse. On interdit aux Juifs de participer à des réunions scientifiques. En 1938, menacé par le déferlement du nazisme, Freud est obligé de quitter Vienne pour Londres. Il rédige encore Moïse et le monothéisme et l'abrégé de psychanalyse. Il meurt le 23 Novembre 1939 à 83 ans.

 

Deuxième partie: l'inconscient selon Freud

 

A. Nature de l'Inconscient

 

Notion d'Inconscient = clef de voûte de la psychanalyse.

Sa signification, double:

a) 1ère signification:

Ics = facteur dynamique de la conduite.

Origine de la conception : Observation du phénomène de la suggestion posthypnotique

Contenu de la conception:

* Certaines "représentations" actives se voient interdit l'accès à la conscience, sont "refoulées", parce que sous-tendues par des "pulsions" auxquelles s'opposent des forces qui dominent la conscience.

* Ces "représentations" constituent, dans le psychisme, un domaine à part qui agit subrepticement, à l'insu de la conscience, sur la conduite consciente.

b) 2ème signification :

Ics = secteur du psychisme

Origine de la conception: étude des rêves.

Contenu de la conception : il y aurait, à l'intérieur du psychisme, une zone où se déroule un ensemble de processus spécifiques, obéissant à une autre logique que celle de la conscience.

N.B. Il s'agit d'une conception "topique" : l'inconscient (2) = séjour de l'inconscient (1)

 

B. Existence de l'inconscient

 

Nous avons parlé de conceptions de l'inconscient, comme si ces conceptions portaient sur une réalité effective, qu'il s'agirait simplement d'expliquer. Or l'inconscient échappe par nature à la conscience, et avec elle à toute expérience qui permettrait de le mettre en évidence, de le donner "à voir"! L'inconscient est davantage une hypothèse qu'un fait !Freud reconnaît la nature hypothétique de l'inconscient, ce qui ne l'empêche pas défendre le bien-fondé!

Cf. Freud, Métapsychologie

Troisième partie:

la nature du psychisme selon Freud

 

A) L'appareil psychique, structure, son évolution

Cf Abrégé de psychanalyse, Constitution des instances

 

B) Fonctionnement

 

 

C) Propriétés particulières du système inconscient

Cf. Métapsychologie

* L'Ics est étranger au principe de réalité "Il n'y a dans ce système ni négation ni doute". L'ics ignore la contradiction

* Il règne dans l'Ics le processus" primaire"

Sont caractéristiques de ce processus primaire

. le déplacement

. et la condensation

Cf. Analyse des rêves

* «Les processus du système Ics sont intemporels..."

* Ils sont soumis au "principe de plaisir"

 

Quatrième partie: voies d'accès à l'inconscient

A) La cure psychanalytique

- Objectif : guérir en renouant le fil rompu de la vie intérieure cf. Stephan Zweig

- Procédés destinés mettre fin au refoulement

N.B. Le rôle catalytique du psychanalyste: le transfert.

B) L'étude des "actes manqués"

Cette étude relève de "la psychopathologie de la vie quotidienne".

Un acte manqué un acte qui n'atteint pas l'objectif qu'on lui assignait consciemment.

Exemples d'actes manqués,

Cf. Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, Ed. Payot

- Oubli de nom (i) : pp. 33-34

- Lapsus linguae: pp. 73-74 (h)

- Lapsus calami: p. 130 (e)

- Erreur de lecture: p.122 (h)

- Actes symptomatiques et accidentels p.217

- Erreur p.240 (d)

 

c) L'interprétation des rêves

 

* Pour Freud, "les rêves ont un sens"
. Sens reconnu antérieurement: rêve = prédiction de l'avenir (sens prémonitoire)
Epoque moderne: rêve = phénomène physiologique

. Sens reconnu par la psychanalyse: symptôme psychique.

* Le sens du rêve est à rechercher

- non dans son "contenu manifeste" Cf. Freud, Introduction à la psychanalyse, Ed. Payot. p.100

- mais dans ses idées "latentes" Cf. Freud, Cinq leçons , Ed. Payot pp. 38-39, Intr. p.106

* Processus onirique.

- Eléments : restes diurnes

- Cause: un désir (objet de dénégation de la part du rêveur)

Le désir est l'élément formateur du rêve. Cf. Introduction à la psychanalyse, Ed. Payot. p. p. 114s

Il se sert des restes diurnes comme d'un simple matériau pour la mise en scène d'une situation où il se satisfait.

-=> Le rêve est la satisfaction d'un désir

Cf. Rêves d'enfants où le contenu manifeste est identique au contenu latent. Freud, Introduction à la psychanalyse, Ed. Payot. p. 112

* L'élaboration du rêve.

Formation du contenu manifeste, ou déformation du contenu latent en contenu manifeste.

" Le travail qui transforme le rêve latent en contenu manifeste s'appelle élaboration du rêve." ( Freud,Introduction à la psychanalyse, Ed. Payot. p.155)

Facteurs :

- dramatisation (avec symbolisation) cf. Freud, Introduction à la psychanalyse, Ed. Payot. p. 138-143)

- condensation Cf. ibid. p.156-157

- déplacement Cf. bid. p.158-159

- transformation d'idées en images visuelles p.159-62

- élaboration secondaire (ordonnance) p.166 (2e §)

Le rêve est un compromis entre les désirs et les interdits.

Définition du rêve : "Le rêve est la réalisation (déguisée) d'un désir (refoulé)" (Freud)

Exemple de rêve: Cf. Ibid. pp. 177

N.B. L'interprétation des rêves consiste à effectuer le travail opposé à celui de l'élaboration.

On va du manifeste au latent. Cf. Freud, Introduction à la psychanalyse, Ed. Payot. p. 155

Aussi peut-on dire, comme pour toute interprétation, qu'il s'agit de trouver le sens caché (Cf. ibid. p.72)

Technique: libres associations Cf. Ibid. p.91

 

Conclusion

L'homme est obscur à lui-même.

Son passé pèse sur son présent à son insu.

Il a besoin d'un autre que lui-même pour se révéler à lui-même les motivations profondes de son comportement. Cette "révélation" est un chemin de libération.

 

© M. Pérignon