(50-125/130)
Épictète, né vers 50, mort entre 125 et 130 de notre ère, naquit esclave en Phrygie (Asie Mineure), à Hiérapolis. Épictète n'est pas son nom propre: épiktétos signifiait, en grec, esclave, serviteur. Vendu à Épaphrodite, homme cruel, qui s'amusait à le tourmenter, puis affranchi, Épictète enseigna la doctrine stoïcienne à Rome, puis dut émigrer en Épire, à Nicopolis, où il attira de très nombreux disciples, en exprimant par sa parole un véritable art de vivre. Un de ses disciples, Arrien de Nicomédie, recueillit son enseignement, et le publia en huit livres, les Entretiens (dont quatre seulement nous sont parvenus), auxquels il faut ajouter le Manuel.
Le stoïcisme est un courant fort ancien de la pensée grecque, qui s'est formé au temps d'Épicure. Les philosophes de " I'école du Portique " (en grec, stoa, d'où le nom de Stoïciens), Zénon de Cittium (335-264 av. J.-C.) et Chrysippe (env. 280-206), ont développé une conception globale de la morale, de la nature, et de la connaissance&endash;y compris une logique très moderne que l'on redécouvrit en 1935. Mais il ne nous reste de cet ancien stoïcisme que des fragments: ils décrivent un univers parcouru par une tension divine qui donne sa fin à l'enchaînement rationnel des causes ou destin (heimarménè); la sagesse consiste à s'accorder à la nature, en donnant son libre assentiment à cette tension, en retrouvant l'unité de soi et du monde.
1. Les racines
C'est toute cette conception qui explique la morale stoïcienne, et qui s'estompe en pénétrant le monde romain.
- Épictète, un des représentants du stoïcisme à l'époque romaine impériale, a connu Zénon et Chrysippe à travers son maître Musonius Rufus.
- Mais il a aussi été influencé par Socrate, Diogène, et par l'héritage aristotélicien.
2. Les apports conceptuels
Épictète célèbre la liberté absolue de l'homme qui, sur le trône comme dans les chaînes, dans les fers ou torturé, demeure maître de ses représentations.
- Les concepts fondamentaux de la doctrine d'Épictète sont les suivants:
- la proairésis, choix rationnel et réfléchi, désir délibéré des choses qui dépendent de nous (la proairésis est une notion aristotélicienne);
- la sérénité, ou ataraxie, tranquillité de l'âme que rien ne vient troubler, qui ne craint ni ne désire rien: le sage parvient à l'ataraxie en agissant conformément aux règles qui régissent la nature;
- la liberté, considérée comme maîtrise des représentations, pensées et opinions, et donc comme pouvoir absolu de l'homme en toute situation (la liberté est, en effet, la puissance d'agir par soi-même au niveau du jugement);
- la Raison (logos), principe d'ordre des choses (que l'on retrouve dans le monde et chez l'homme);
- la notion de Dieu, conçu comme Raison pénétrant et unifiant le monde auquel elle est immanente. Epictète ajoute à cette conception propre au stoïcisme la notion d'un Dieu " père des hommes ": cette parenté est établie par la Raison.
Cf. J. Russ, Les chemins de la pensée, Bordas pp. 97-98